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21-03-08
Le Sri Lanka, un cauchemar pour les droits de l’Homme ? Colombo en ligne de mire de l’Human Rights Watch
Le dernier rapport de Human Rights Watch concernant le Ski Lanka est sévère : 243 pages intitulé « Cauchemar récurrent : responsabilité d’Etat dans les « disparitions » et enlèvements à Sri Lanka ». Eclairage sur les dernières nouvelles d’un conflit oublié.
Tant dis que le cessez-le-feu à Sri Lanka a volé en éclats et que les combats et attentats se font de plus en plus violents et fréquents sur le territoire, l’organisation américaine Human Rights Watch vient de publier un rapport de 243 pages intitulé « Cauchemar récurrent : responsabilité d’Etat dans les « disparitions » et enlèvements à Sri Lanka ».
En 2007, le HRW tirait la sonnette d’alarme avec son rapport « Retour à la guerre : les droits de l’homme assiégés » et Brad Adams le directeur pour l’Asie du HWR déclarait : « Le gouvernement sri lankais a semble-t-il donné le feu vert à ses forces de sécurité pour l’utilisation de tactiques de ‘‘guerre sale’’ ».
Cette année l’organisation frappe plus fort en accusant le gouvernement de la plupart des disparitions faisant rage sur le territoire, disparitions qui d’après le même rapport auraient conduit à des tortures et des exécutions sans procès.
Le rapport consacre 18 pages aux auteurs de ces faits dont 15 incriminant les forces armées et la police sri lankaise ainsi que les groupes tamouls pro-gouvernementaux contre 3 courtes pages pour le groupe séparatiste des LTTE qui procède régulièrement à des enrôlements de force dans le Nord de l’île. Le rapport ne manque par de rappeler que les victimes sont essentiellement tamouls, mais que les communautés singhalaise et musulmane sont également touchées.
"Atmosphère de terreur"
La publication du rapport vient à point nommé, précédant de quelques jours des élections municipales surmilitarisées dans l’est du pays et la réunion du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève.
L’Alliance Nationale Tamoule (TNA) a complètement boycotter le scrutin le jugeant anti-démocratique et dénonçant des élections «dans une atmosphère de terreur, d'intimidation, de déportation, de disparitions, de non-participation des partis politiques tamouls traditionnels et de persécution des médias. ». Aucune liste TNA n’a donc été présentée, le député TNA pour le district de Batticaloa déclarant « Si notre parti avait présenté des candidats, ils auraient été brutalement assassinés par les groupes paramilitaires. Même nos camarades députés ont été assassinés. » Effectivement le jour où Colombo dénonce une coïncidence entre la publication du rapport, les élections et la réunion de Genève, le déclanchement « accidentel » d’une mine Claymore provoquait le décès du député de l’Alliance Nationale Tamoule (TNA) pour le district de Jaffna, Mr K.Sivanesan. Un premier député tamoul avait été tué par balle le 1er janvier 2008.
"Politique exemplaire ?"
Mahinda Samarasinghe, ministre sri lankais des droits de l’Homme, présent à Genève, s’est tout de même dit « fier » du bilan de son gouvernement dans sa lutte contre le « terrorisme » tamoul allant jusqu’à annoncer que la politique Rajapsake pourrait servir d’exemple pour d’autres Etats. Les états en proie aux séparatismes devraient donc suivre l’exemple d’un gouvernement qui ne lésine pas sur l’emploi de la violence sous toutes ses formes pour écraser un groupe séparatiste qui ne vaut pas mieux que lui. Le gouvernement s’essaie à écraser les LTTE en allant de la multiplication des arrestations et rétentions provisoires des tamouls de Colombo à l’ « assassinat accidentel » de politiques en passant par la très forte répression de la presse – Reporters Sans Frontières classe le pays comme le 3e plus dangereux pour les métiers de la presse pour la deuxième année consécutive –. Les LTTE quant à eux continuent les enrôlements de forces, les enlèvements des futurs enfants-soldats, les attentats en tout genre et les actes d’intimidations et de persécutions face aux « récalcitrants ».
Disparitions forcées
Louise Arbour, Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, rappelait dernièrement au gouvernement et aux LTTE leurs obligations en vertu du droit international et des droits de l’Homme. Aujourd’hui Elaine Pearson, directrice adjointe pour l’Asie du HRW, déclare que « le Président Mahinda Rajapakse, hier avocat des droits de l’Homme, est désormais en train de faire de son gouvernement l’un des pires auteur au monde des disparitions forcées. La fin du cessez-le-feu annonce que cette crise continuera jusqu’à ce que le gouvernement commence à prendre de sérieuses mesures. »
Le rapport accablant du HRW appelle alors le gouvernement à prendre ces mesures rapidement, mesures qui sauraient être la fin des pratiques de « disparitions forcées », une investigation vigoureuse pour tous les cas rapportés, le jugement de leurs auteurs mais également la coopération avec le Haut Commissariat des Droits de l’Homme. Coopération qui aurait l’objectif d’établir une équipe internationale de contrôle des violations des Droits de l’Homme par les deux parties.
Après avoir sommairement prié tous les observateurs de la paix de quitter le territoire en janvier, la réponse du gouvernement à ce rapport a été sans équivoque : aucune enquête sur la violation des droits de l’homme ne doit être conduite sur le territoire si le gouvernement n’en a pas fait la demande. A quoi peut-on s’attendre si personne n’ait en mesure de contrôler ou du moins surveiller le déroulement de la situation et si même la presse ne peut plus travailler sur le territoire ?
"Parodies de démocratie"
Le HRW ne se contente pas pour 2008 d’incriminer Colombo mais semble mener un combat contre la majorité des gouvernements. Son rapport annuel paru en janvier dénonce la position de l’Union Européenne et des Etats-Unis par rapport à des pays comme la Russie ou le Pakistan. Selon ce rapport les deux grandes puissances tolèrent - voir acceptent – que des « autocrates se posent en démocrates » sans respecter les droits politiques et civils.
Kenneth Roth, le directeur du HRW déclare qu’ « il est aujourd’hui trop facile pour les autocrates de se tirer d’embarras en mettant en scène une parodie de démocratie ». Pour le HRW il est déplorable que des puissances qui se sont construites sur le respect des droits de l’Homme et qui incarne la démocratie ne se battent pas contre la mise en place de tels systèmes et annonce qu’une telle conduite pourrait entacher les droits de l’homme dans le monde.
Malaises dans les institutions internationales
Mais l’annonce de Louise Arbour, le 7 mars dernier, de renoncer à un deuxième mandat, ne montre-t-il pas plutôt un malaise dans les institutions internationales au contraire de ce que semble dire le HRW à savoir un manque de volonté des puissances actuelles à s’ériger comme combattants des autocraties, régimes militaires et autres dictatures… ? Louise Arbour est la deuxième haute commissaire consécutive à ne pas souhaiter continuer à exercer cette fonction (Mary Robinson n’avait pas reconduit son mandat en 2002, son successeur Sergio Vieira De Mello a quant à lui été tué dans un attentat en 2003). Son annonce survient après une série d’attaques à son encontre de la part de pays qu’elle avait critiqué. Pourtant Mme Arbour avait réussi à amener une nouvelle dynamique au sein du Haut Commissariat, n’avait pas hésité à dénoncer publiquement les actes de certains états et le bilan de son mandat est plutôt positif et encourageant.
A l’heure où les équilibres internationaux se modifient et où des conflits locaux éclaboussent de plus en plus fréquemment la carte mondiale, la proposition de Mme Arbour de choisir le prochain haut-commissaire dans les pays en voie de développement pourrait insuffler une nouvelle fraîcheur dans des institutions qui ont l’air dépassé par la situation tendue du respect des droits de l’Homme.