Le mouvement maoïste, la plus grande menace pour la sécurité intérieure de l'Inde selon Manmohan Singh
28 octobre 2009, LeCourant.info
Dimanche 25 octobre, le centre de l'Inde a été une nouvelle fois la cible d'une attaque terroriste proférée par l'insurrection maoïste. Alors que plusieurs fusillades ont éclaté dans l'État du Chhattisgarh, principal fief des rebelles, le gouvernement central se prépare à mettre en place une opération planifiée de grande envergure visant à enrayer définitivement le mouvement naxalite maoïste.
Dans la journée de dimanche, à environ 250 kilomètres de Raipur, capitale de l'Etat du Chhattisgarh, des fusillades distinctes ont coûté la vie de dix personnes. Ambrish Mishra, commissaire de police, a indiqué à l'AFP que quatre policiers ont été tués par une mine anti-personnel déclenchée par les rebelles. Dans le district de Bijapur, à 500 kilomètres de Raipur, la capitale de l'État, deux maoïstes ont perdu la vie dans une autre attaque. Enfin, quatre autres rebelles sont morts pendant une fusillade avec les forces de police. Ce dernier incident a permis de découvrir une cache d'armes et d'explosifs. La veille, un premier rebelle avait perdu la vie et trois autres personnes avaient été blessées dans la même zone. L'État central du Chhattisgarh est connu comme un haut lieu des activités de la guerrilla naxalite maoïste, abritant de nombreux dirigeants qui se cacheraient dans la jungle.
Le 8 octobre dernier, à l'Ouest de l'Inde, dans l'État du Maharashtra, dix sept policiers avaient perdus la vie lors d'une attaque des rebelles. Lors de ces derniers mois, l'insurrection maoïste a multiplié les attaques à l'encontre les forces de polices, devenant une source d'insécurité interne de plus en plus importante pour le pays, assez lourde pour pousser le gouvernement central et les forces armées à préparer une opération d'envergure contre les rebelles. Au vent de cette nouvelle, les maoïstes ont menacé New Delhi de « déclencher une tornade de violence » si une offensive planifiée à leur encontre voyait le jour.
L'Opération Green Hunt
Suite à cette montée en violence, New Delhi a effectivement décidé d'affronter l'insurrection maoïste via une offensive planifiée de grande ampleur. L'opération, baptisée Green Hunt, a été adoptée par les États les plus touchés par les activités de la guerilla bien que la question de l'impact sur les population qu'il vise à « libérer » soit au centre des débats.
L'opération visera les bases rebelles localisées dans la dense jungle du centre de l'Inde et plus principalement sur la zone appelée red corridor -couloir rouge- qui s'étend sur près de douze États de l'Est Indien.
L'assaut, qui devrait débuté en novembre, sera coordonné depuis New Delhi et impliquera des dizaines de milliers de paramilitaires. L'armée sera exclue de l'opération Green Hunt et ce seront les forces de sécurité régionales qui constitueront les premières lignes de l'opération. Le déploiement de gardes frontières d'élite ainsi que l'apport d'un appui logistique et d'importante ressources ont été promis par le gouvernement central.
Cette action permettrait de redonner confiance aux États engagés depuis des années dans une lutte anti-insurrectionnelle qui s'avère inefficace. En effet, au cours du temps les opérations mises en place ont été particulièrement disjointes et sur arrière fond de demi-mesures.
Deepakankar Banerjee, directeur de l'Institut d'études de la Paix et des Conflits a déclaré que «l'activité grandissante des maoïstes lors de ces dernières années a soulevé des préoccupations au sein du gouvernement central, et le nouveau ministre de l'intérieur voit plus que ses prédécesseurs [ce problème] comme une priorité ». En effet, le ministre de l'intérieur P. Chidambaram a publiquement annoncé son désir de briser l'insurrection maoïste qui a déjà coûté 600 vies cette année.
Une opération controversée
La nature de l'opération Green Hunt a tout de même était remise en question au sens où une telle opération pourrait mettre en danger la vie des millions de villageois qui vivent sur les zones contrôlées par les maoïstes. Ainsi, un groupe de militants comportant nombre d' universitaires et incluant la romancière Arundhati Roy, lauréate du Booker Prize – l'un des plus important prix littéraires-, ont adressé la semaine dernière une lettre ouverte au Premier Ministre s'exprimant ainsi sur la possibilité de « désastre démocratique et humanitaire ». Des groupes de militants des Droits de l'Homme ont également soulevé la question de la possibilité de victimes civiles. Ainsi Kenneth Roth, directeur exécutif de l'organisme américain Human Rights Watch déclare-t-il que « les forces devraient cibler uniquement les combattants tout en restant compatible avec le Droit international ».
La question d'apporter une stratégie de développement visant à enrayer la pauvreté chronique qui alimente le mouvement maoïste doit également être prise en compte. Il est vrai que l'influence de ce dernier se fait sentir nettement plus forte dans les zone appauvries et reculées bien que, le soutien apporté sur la base de l'intimidation ne soit pas négligeable.
Voyant le jour en 1967 suite à un soulèvement paysan, le mouvement naxalite maoïste armé, s'est aujourd'hui étendu à plus de la moitié des États indiens et comporterait une force armée estimée entre 10 000 et 20 000 personnes. Le Premier ministre Manmohan Singh a qualifié le mouvement insurrectionnel comme étant la plus grande menace actuelle pour la sécurité intérieure de l'Inde. L'Opération Green Hunt, qui sera bientôt déclenchée, visera non seulement à chasser les rebelles, mais également à reconquérir le red corridor, large bande de territoire sous contrôle maoïste où la primauté de l'État a été essentiellement anéantie.