vendredi 18 avril 2008, par Blanche Mattern
Alors que les maoïstes se profilent comme vainqueurs des élections constituantes du 10 avril, la Commission Électorale annonce la reconduite des élections dans certaines circonscriptions.
Les élections qui doivent faire basculer l’unique monarchie hindouiste au monde vers une démocratie se sont déroulées jeudi 10 avril dans un calme relatif.
Du dernier jour de campagne à la veille du scrutin des bombes ont explosé dans le pays, notamment au siège de la Commission Électorale à Katmandou. Le 8 avril, Rishi Prasad Sharma, représentant le Parti Communiste Népalais (formation rivale des maoïstes) était assassiné, son décès entraînant la mise en place d’un couvre-feu dans le district de Surkhet (moyen ouest). Outre les dispersions parfois violentes des manifestations népalaises, la police a également usé à plusieurs reprises de la force pendant les manifestations tibétaines. Mais, critiquées par les Nations Unies et les organisations internationales de défense des droits de l’Homme, les forces de police ne sont pas intervenues lundi 14 lors du rassemblement contre la répression chinoise au Tibet qui a réuni près de 4000 réfugiés tibétains, témoignant alors d’un désir de retour au calme.
Des manifestations dispersées violemment, un candidat assassiné, l’explosion répétée de bombes ont apportés son lot de difficultés aux premières élections népalaises se déroulant depuis neuf ans dans le pays.
Selon The Himalayan Times du mardi 15 avril, près de 9000 votes auraient été invalidés dans le district de Kavre (centre). Plus exactement, il s’agirait de 9 155 votes annulés sur 210 410 scrutins exprimés dans quatre circonscriptions du district, amenant le taux d’invalidation à 4,35%. La Commission Électorale vient d’annoncer que des votes ont été annulés dans 98 bureaux de votes. Le 10 avril, au soir des élections, cette même commission parlait déjà de rouvrir 33 des 20 879 bureaux de votes népalais. Les scrutins sont alors reconduits dans plusieurs circonscriptions et les résultats définitifs ne seront pas connus avant plusieurs semaines … retardant d’autant plus la formation de l’Assemblée Constituante.
Avec près de 60% de participation, le CPN-M (Parti Communiste Népalais-Maoïste) emporte d’ores et déjà 115 sièges sur les 212 dont les résultats ont été dépouillés. Le parti du Congrès Népalais, du Premier Ministre Girija Prasad Koirala, emporte 32 sièges. Marqué par une nette perte d’influence, le - autrefois puissant - CPN-UML, Parti Communiste Népalais Union Marxiste Léniniste, ne dispose pour le moment que de 30 sièges.
A peine sorti de la guérilla qui a fait rage de 1996 à 2006 sur le territoire népalais, le CPN-M, s’annonce comme grand leader de la politique népalaise de demain. Les élections voient également l’émergence de petits partis comme le MJF, Madhesi Janadhikar Forum, dirigé par l’ancien maoïste Upendra Yadav, qui réclame l’autonomie renforcée de la région du Teraï et qui remporte 27 sièges.
Une fois les scrutins dépouillés dans leur totalité, les 601 députés de l’Assemblée Constituante auront à charge de faire disparaître une monarchie vieille de plus de 240 ans. Processus amorcé le 21 novembre 2006, lors de la signature d’un traité entre les sept partis népalais et les maoïstes engageant le Népal dans la voie de la démocratie et dont les élections du 10 avril constituaient l’étape décisive.
Le CPN-M affiche sa détermination à vouloir changer le Népal en s’accrochant fermement aux idées de fédéralisme, de représentations des communautés défavorisées et d’ethnies minoritaires. Couplé au fort sentiment d’animosité à l’encontre du roi autocrate Gyanendra dont font part la majorité des népalais, le parti - inscrit sur les listes des groupes terroristes des Etats-Unis et de l’Inde - a aujourd’hui le soutien de la plus grande part des électeurs népalais et toutes les chances de transformer son pays en démocratie.